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Colloque « Les grandes évolutions de la constitution de 1958 et leur incidence sur le régime politique de la Ve République » le 24 septembre 2016

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M. Charles Guené, Président de l’Amicale gaulliste a participé le samedi 24 septembre 2016, au colloque organisé par le Club 88 Charles de Gaulle d’Epinal  et la Mairie d’Epinal, sur le thème :

« Les grandes évolutions de la constitution de 1958
et leur incidence sur le régime politique de la Ve République ».

Capture d’écran 2016-11-09 à 10.59.37Epinal
24 septembre 2016

Intervention de M. Charles GUENÉ
Sénateur de la Haute-Marne, Président de l’Amicale Gaulliste du Sénat

Monsieur le Député-Maire, Cher Michel
Monsieur le Président PEUREUX, Cher Compagnon,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires, Conseillers départementaux et régionaux,
Mes chers collègues Maires et Elus,
Monsieur le Président ANFROL, des Amis de la Fondation Charles de Gaulle,
Mesdames et Messieurs, Chers Amis; Chers Compagnons,

Tout d’abord, merci de me faire l’honneur de participer à votre colloque, et de me permettre d’exprimer la pensée de l’Association gaulliste du Sénat, sur le thème des grandes évolutions de la constitution de 1958 et de leur incidence sur le V° République.

Je voudrais, à cet égard, éclairer modestement votre débat, si vous le permettez, par nos propres réflexions menées à BAYEUX, il y a quelques mois, alors que nous nous interrogions sur la permanence et l’actualité de la pensée d’origine du Général, ou autrement dit, si les institutions de la V° République étaient encore de nature à permettre à la France de se réformer…

Le lien entre nos travaux, entre BAYEUX et EPINAL, pourraient s’écrire en se demandant si les réformes entreprises ont amélioré l’efficacité de nos institutions !?

Mais, terminant cette tribune, je ne voudrais être redondant avec mes excellents prédécesseurs. Aussi, me limiterais-je à pointer du doigt les éléments qui n’auraient pas été évoqués ou pour lesquels j’aurais une appréciation différente.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je souhaiterais réparer une injustice de l’histoire, qui relègue au second plan EPINAL, puisque chez les constitutionnalistes comme chez les étudiants en droit, seul BAYEUX est évoqué !

Je me dois de dire, ici, en cette belle ville d’EPINAL, et devant un parterre de Vosgiens que le discours d’EPINAL a droit à toutes ses lettres de noblesse.

Outre la différence de ton entre les discours, qui est inhérente à ce tempo de l’histoire que nous venons d’évoquer, EPINAL vient préciser certains éléments constitutionnels que le Général a affiné entre temps, ou que l’urgence du moment ne lui permet plus de soutenir.

S’il confirme son refus du compromis, et sa volonté d’institutions fortes, il vient éclairer la formulation ambigüe de BAYEUX, en précisant le rôle du premier ministre et donner toute sa place au referendum et au droit de dissolution.

Il répare ces deux oublis, et les explicite à EPINAL. Cela méritait d’être dit, ici.

Il subsistera une lacune, celle du contrôle de constitutionnalité… que le Professeur GERMAIN a bien décrit avant moi, et sur laquelle je reviendrai.

En ce qui concerne les modifications constitutionnelles intervenues depuis EPINAL et 1958 surtout, chacun a bien mesuré le chemin parcouru, et je ne vois pas grand-chose à ajouter à l’exposé magistral et bien fouillé du Professeur GERMAIN, ni au rappel exhaustif de mon collègue HEINRICH, qui font tous deux le point sur le contenu des réformes, et surtout leur incidences sur le fonctionnement des institutions.

Je partage avec eux l’idée que les réformes essentielles furent sans contestations l’élection au suffrage universel du Président de la République en 1962, qui lui donnera une dimension incontestée, non pas qu’elle fut utile au Général de Gaulle, mais chacun convient qu’elle a profondément modifié la vie politique française dans l’articulation des pouvoirs du Président, avec le Parlement et surtout le Gouvernement, par la suite.

La deuxième réforme d’importance sera, bien sûr, le quinquennat, et nous pouvons à cette occasion aussi évoquer les primaires.

La troisième évolution, plus silencieuse, sera la prise d’importance du Conseil Constitutionnel et de la QPC, ainsi que l’a fort bien perçu et décrit le Doyen GERMAIN, et il ne faut pas omettre les nouveaux droits attribués au Parlement en 2008.

Tout a été dit, et fort bien dit, à cette Tribune. Aussi, voudrais-je seulement y apporter un éclairage particulier sur quelques points.

Tout d’abord, sur l’élection au suffrage universel du Président de la République, il a été dit que le Général n’avait pas osé, ni à BAYEUX ni à EPINAL, évoquer l’idée d’un Président élu autrement que par le corps des notables, afin de ne pas effrayer ceux qui redoutaient encore le bonapartisme.

Je voudrais juste, à cet égard, citer Léon BLUM, qui écrivait de manière prophétique dans le Populaire du 21 juin 1946, aux lendemains de BAYEUX : « pour un chef de l’exécutif ainsi conçu…il faudra descendre jusqu’à la source de la souveraineté, c’est-à-dire remettre l’élection du chef de l’exécutif au suffrage universel ».

Pour les esprits avertis, tout était déjà dit !…

Reste que pour le  quinquennat, qui est venu amplifier le pouvoir du Président, nous nous sommes interrogés aussi à BAYEUX sur sa signification en ces termes :

La Constitution de 1958 avait placé le Président de la République en clef de voute de tout l’édifice institutionnel « primauté et continuité de l’Etat, arbitre du destin national »…

Le quinquennat et surtout l’usage de la Constitution de 1958 a conduit à dénaturer la capacité d’arbitrage du Président de la République, en le plongeant progressivement dans l’immédiateté voulue par l’époque, et à l’abandon paradoxal de la pratique du referendum, qui constituait un corolaire précieux de notre démocratie représentative, en ce qu’il vient, au fil du mandat confié, vérifier sa rémanence et que la légitimité de l’élu est toujours présente.

Notre Amicale Gaulliste a conclu que la solution ne résidait pas dans un rallongement du mandat à 7 ans, faculté que l’époque ne nous accordera pas, mais plutôt dans un retour en la dualité originelle de la Constitution.

Je cite Gérard Larcher, à BAYEUX, le 11 juin 2016 :

« Au fond il faut se poser la question : ne faudrait-il pas rendre au Premier ministre le rôle qui lui était dévolu, de grand architecte, non pas de l’univers mais du législatif pour laisser, même en quinquennat, la fonction plus arbitrale au Président de la République ? Le rôle d’un Président de la République est-il de réunir les Parlementaires, d’interférer sur un débat législatif ? »

Disons-le, nous sommes coupables, car nous avons voté cette réforme, nous les sénateurs gaullistes, comme nous nous sommes sabordés en faisant passer notre propre mandat de 9 ans à 6 ans, mais je prends Jackie Pierre à témoin, sans doute nous sommes nous laissés violenter, et si c’était à refaire, nous ne le referions pas.

Ce premier point évoqué et de manière plus générale, je voudrais maintenant illustrer devant vous les deux grands axes qu’a développés le Professeur GERMAIN, et dont je peux nourrir le débat grâce à mes lectures d’été.

J’ai, en effet, lu Jean-Louis DEBRÉ « dans ce qu’il ne pouvait dire… ». S’il n’est pas toujours tendre avec ses contemporains, j’ai trouvé dans son ouvrage deux passages qui illustrent parfaitement nos réflexions, et qui prennent toute leur dimension chez un homme qui vient de passer neuf années à la présidence du Conseil Constitutionnel.

Tout d’abord, et je le cite, sur le mouvement général qu’ont pris nos institutions, à la page 215 :

« Au départ de la Ve République, l’ambition des constituants fut de favoriser, à l’Assemblée nationale, l’émergence d’une majorité parlementaire permettant au pouvoir politique d’agir. Mode de scrutin, règles régissant les rapports entre gouvernement et parlementaires, motion de censure… tout a été fait pour éviter le retour aux républiques précédentes, à l’instabilité ministérielle, à la paralysie de l’Etat. Le fait majoritaire devant empêcher le régime parlementaire de sombrer à nouveau dans la caricature.

A partir de 1962, on parle moins de la majorité que de l’opposition à laquelle il convient d’octroyer des droits, un statut pour qu’elle existe en tant que force politique. La possibilité donnée à soixante députés ou soixante sénateurs de saisir le Conseil traduit cette recherche en sa faveur d’un statut spécifique.

Aujourd’hui, il est de bon ton de parler d’abord des minorités parlementaires. Comment, aussi bien dans la majorité que dans l’opposition, leur conférer des moyens de se faire entendre dans le débat ? La réforme constitutionnelle de 2008 illustre cette évolution au risque de favoriser des assemblages hétéroclites qui deviennent des majorités éphémères, de rejet naturellement.

En fait, on revient progressivement à ce que les constituants de 1958 ont voulu combattre, l’absence de majorité cohérente au profit de majorités négatives, dont s’ensuit une déficience permanente du parlement pour soutenir les projets de loi. La qualité de la loi et sa cohérence souffrent de ce changement. »

Ce texte illustre, à mon avis, parfaitement la lente « dérive » de nos institutions ou plutôt d’adaptation à leur temps, puisque le Général, rappelant le sage SOLON, au sujet de la meilleure constitution, tenait ces propos : «  dites-moi d’abord pour quel peuple et à quelle époque ».

Je dirai, à cette occasion, que je partage ce qu’a dit Michel HEINRICH. Malgré les efforts de 2008, les parlementaires n’occupent pas la place qu’ils devraient, et le règlement et le fonctionnement des Assemblées qui datent, dans l’esprit, en sont largement responsables.

L’ensemble des pays européens a déjà anticipé sur nous, et je crois que nous devons modifier le mauvais spectacle qui est donné dans un hémicycle trop longtemps ouvert aux médias, alors que nous réalisons un excellent travail de fond en commission et ailleurs.

Je vous ai dit combien je rejoignais le Professeur GERMAIN dans son analyse sur le rôle nouveau qu’avait pris le Conseil Constitutionnel depuis 1959 et les réformes qui suivirent en 1971, 1974 et surtout 2008 avec la QPC.

Permettez-moi, à cet égard, de citer encore une fois Jean-Louis DEBRÉ, qui n’est pourtant pas un ami intime, dans son livre à la date du 2 avril 2014 :

« Le Général de Gaulle n’est pour rien dans la création de cette institution, affirmait Léon Noël, qui fut le premier président du Conseil. Il y a tout lieu de penser que telle est la réalité. Dans le(s) discours de Bayeux (et Epinal) de 1946, il n’est pas évoqué. De Gaulle est éloigné du monde des juristes, c’est un miliaire, tourné vers l’action. Je me souviens de cette citation du Fil de l’Epée : « Face à l’évènement, c’est à soi-même que recourt l’homme de caractère… et loin de s’abriter sous la hiérarchie, de se cacher dans des textes, de se couvrir des comptes rendus, le voilà qui se dresse, se campe, et fait front. »

Alors pourquoi une telle création (le Conseil Constitutionnel), qui n’est pas dans notre tradition juridique ?

Depuis la Révolution, nos légistes clament que la loi est l’expression de la volonté générale. La loi votée par le Parlement est réputée parfaite, seuls les représentants du peuple peuvent la modifier, l’amender.

Mais depuis longtemps avait germé, chez certains juristes, une réflexion sur la nécessité de limiter le domaine de la loi, d’imposer au législateur ordinaire le respect de la Constitution.

Léon Noël affirme également que la création du Conseil constitutionnel s’inscrit dans la logique de la nouvelle répartition des compétences entre le domaine de la loi et celui du règlement. C’est exact. Mais ce conseil n’est pas arrivé par hasard. Il est l’aboutissement d’une lente maturation juridique et de la nécessité pour Michel Debré d’institutionnaliser le principe d’un contrôle de la loi, « pour protéger les principes fondamentaux de tout régime libéral », comme il l’écrit en 1945 dans Refaire la France.

Il voulait permettre l’émergence d’un véritable pouvoir autonome et d’une institution capable de faire respecter les prérogatives gouvernementales.

Le 13 mars 1959, le Conseil tient sa première séance. Cette mise en place se réalise dans une indifférence parfaite. »

Jean-Louis DEBRÉ explicite, par ailleurs, ce rôle du nouveau Conseil Constitutionnel avec l’introduction de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui, introduite grâce à l’improbable connivence de Nicolas SARKOZY et de lui-même, est venue profondément modifier les règles du jeu constitutionnel.

Un nouveau pouvoir est né. Pouvoir qui vient donner une dimension nouvelle à la Constitution.

Nous n’avons pas fini d’en mesurer les conséquences, et je ne suis pas certain que la politique et les juristes n’en aient évalué l’exacte portée…

Cette prospective étant faite, je vous dirai pour conclure, et puisque nous sommes entre gaullistes ici, du moins je le crois !?…, que je n’ai pas d’appétence particulière pour la cohabitation qui est devenue aujourd’hui un élément possible de notre vie politique, quelles que soient les coïncidences qui aient été recherchées dans les articulations des mandats : aucune règle n’empêchera une dissolution et donc une possible cohabitation.

De la même manière, la désuétude dans laquelle est tombé le référendum me navre, mais c’est vrai qu’il n’y a plus de politiques de la dimension du Général de Gaulle…

Le Général de GAULLE aurait-il accepté la cohabitation ? Aurait-il accepté de se maintenir après un échec référendaire ? Vous connaissez, comme moi, la réponse à ces questions.

Je crois que, sur ce point, nous sommes tous d’accord.

Me reste un léger point de discorde avec Michel HEINRICH, « la primaire ». Ce sera le seul ! et il est d’enthousiasme seulement.

Certes, je voterai à la primaire, comme tout le monde, mais je pense très sincèrement que ce processus n’appartient ni à nos habitudes politiques, ni à notre culture, ni à l’idée que nous avons de la République.

Il s’agit, en fait, d’une sorte de troisième tour, qui vient, à mon avis, vicier le suffrage universel et redonner la main aux partis que le Général avait chassé du temple, et je crois que nous ne sommes pas à l’abri de manipulations de toute sorte, en souhaitant que l’avenir ne me donne pas raison.

Reste que, comme cela a été dit, cela reste sans doute le moins mauvais de tous les systèmes, et je n’en vois point d’autre pour mettre un peu d’ordre dans le landerneau politique actuel.

Je vous remercie pour votre aimable attention, et je voudrais réitérer mes compliments au Président PEUREUX, pour nous avoir donné ce rendez-vous de qualité à l’occasion de ce 70ème anniversaire du discours d’EPINAL.

 

 

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